カルメンの変貌 : メリメからなかにし礼まで
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概要
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Cette Bohemienne n'est plus seulement une gitane locale: elle incarne maintenant la droiture des femmes, l'independance feminine et annonce les revendications du feminisme. Il existe aujourd'hui beaucoup de garcons que Carmen n'interesse pas, ou plutot qu'elle effraie. Carmen n'est certes pas feministe dans la nouvelle de Merimee, ou elle cede devant l'homme qui sait briser sa volonte. Ainsi vivaient les femmes d'alors. Elle etait d'une race impure, condamnee a vivre en marge de la societe bourgeoise. Don Jose, lui, appartenait aux Basques, peuple unique, reste chretien meme sous l'occupation musulmane au Moyen age, et meritait done la marque honorifique <don>, ce qui lui interdisait d'aimer une gitane. Femme intouchable, femme litteralement fatale, Carmen explique ellememe a Don Jose qu'il a rencontre le diable et qu'il lui faut l'oublier. Elle etait cependant fiere de sa beaute et vivait avec une certaine dignite. ≪Avez-vous entendu parler de la Carmencita? C'est moi.≫ dit-elle, d'emblee a Merimee. Genereuse, elle n'epargne rien quand elle revoit Don Jose, qui a passe deux mois en prison, et a ete degrade a cause d'elle. ≪Carmen est bien vulgaire≫, observe un lecteur, ≪mais elle est noble.≫ Une fois chasse par elle, Don Jose erre comme un fou et entre dans une eglise pour pleurer dans un coin obscur. Elle l'a suivi jusque la, il la retrouve. Une gentillesse que Merimee, mal aime peut-etre, a complaisamment decrite, mais que Meilhac et Halevy effaceront dans leur opera et ainsi fera-t-on dans les adaptations successives. Pourquoi Carmen s'empresse-t-elle de rejeter Don Jose? ≪Ne pense plus a Carmencita.≫ Ce conseil n'est-il que l'aveu d'une femme qui ne connait d'autre loi que son caprice? Peut-etre se refuse-t-elle a vivre au-dela de ses capacites? Ou desire-t-elle epargner un payllo si sympathique? En regardant s'eloigner sa silhouette, on sait seulement qu'elle veut garder son identite: son destin, dont elle ne cesse jamais de sentir tout le poids. Rarement aimees, les heroines de Merimee, sont neanmoins d'admirables orgueilleuses. Remarquons aussi la gaiete que Christian-Jaque a su preserver chez Carmen grace a une Viviane Romance joviale et rieuse. Par rapport a la Carmen de Merimee, celle de Bizet est a la fois plus douce et beaucoup plus dangereuse. Pourquoi? <Deboheminisee, deputinisee, Carmen devenait plus terrible encore, etant une femme normale. Elle a file entre les doigts des librettistes.> dit un critique. <Carmen n'est plus cette voleuse prostituee.> Mais, pour elle, le monde etait un vaste bazar, lui permettant, pour ainsi dire, de voler ceux qui n'appartenaient pas a son clan et faisaient figure d'ennemis: elle avait le sentiment d'accomplir des actes normaux. D'ailleurs, Carmen etait un objet pour les bourgeois sevillans. Songeons a la tristesse, a la solitude profonde qu'elle eprouve tout en se dandinant sous leurs regards. Elle a pris la resolution d'etre tuee par Don Jose. Elle se soumet a son destin avec dignite. Elle ne s'est pas enfuie, quand elle en avait l'occasion, parce que Don Jose l'avait quittee pour entrer dans une chapelle afin de demander une messe. Ce n'est pas <un sordide assassinat commis au coin d'un bois par un jaloux hors de lui.> Dans la nouvelle, Don Jose n'est pas qu'un jaloux, puisque son rival Lucas va mourir, ecrase par un taureau. En outre, Carmen lui declare qu'elle n'aime plus rien. Dans l'opera, la mort de l'heroine devient, dit-on, une manifestation de son libre arbitre. Mais la Carmen de Merimee exprimait deja devant Don Jose sa volonte de mourir: ≪Carmen sera toujours libre. Calli elle est nee, calli elle mourra.≫ Tout est contenu dans le texte de Merimee. La nouvelle Carmen doit a celui-ci plus que son nom: tous les elements necessaires. Mais du texte au livret, Carmen a connu deux revolutions. <La Carmen de Bizet est une fille de la Commune.> Certes. Elle se moque d'une autorite, celle du brigadier Don Jose: ≪Je chante pour moi-meme, et je pense...il n'est pas defendu de penser!≫ La deboheminisation de Carmen, voila surtout ce qui empeche d'expliquer le caprice et la fantaisie de toutes les nouvelles Carmen. On peut comprendre que la vie de cette gitane originale est faite d'instants successifs qui se detruisent au hasard de leur enchainement, puisqu' elle est une bohemienne. Puisqu'elle n'a pas d'autre moyen de vivre. Son amour pour un payllo ne peut etre qu'ephemere. Elle se hait, dit-elle, pour avoir aime ce payllo qui lui apporte la mort au bout de leur course commune, parce que c'est ecrit, parce qu'elle a trahi l'habitude de son clan. Otto Preminger, Carlos Saura et meme Jean-Luc Godard nous presentent des femmes emancipees ou egoistes, sinon debauchees et perverses. Belles, distinguees, seduisantes, elles n'ont plus rien de la femme fatale au sens originel. Elles se sont degagees definitivement de ce mythe, pour devenir de simples jeunes filles modernes, jalouses de leur autonomie. Qui est la femme fatale? Helene, Cleopatre, Herodiade, Esmeralda, cette autre "gitanilla", et Salammbo: toutes envoyees par le destin pour attirer, irresistiblement, et perdre ceux qui sont epris d'elles.
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