ボードレール作『旅へのいざなひ』の美学
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概要
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L'lnvitation au voyage de Baudelaire seduit depuis longtemps beaucoup d'amateurs japonais de la litterature francaise non seulement avec cette cadence obtenue par le vers de sept pieds associe a celui de cinq, mais aussi avec son debut par l'appel a une maitresse: "Mon enfant, ma soeur," appel tres rare dans la langue des Japonais modernes qui gardent cependant le souvenir des poetes-soldats au VIII^e siecle qui faisaient un appel tout a fait semblable a leur femme restee a la maison lointaine, des poemes pleins d'amour et de nostalgie. D'ailleurs, dans cette Invitation, a qui s'adresse cet appel? A une vieille maitresse? Sans connaissance du Petit poeme en prose du meme titre ou le narrateur reve de voyager "avec une vieille amie", peut-on la considerer comme une maitresse tres intime, plutot un peu agee avec qui "je" habite longtemps? D'abord, pourquoi un tel parti pris? D'une part, a cause de la vie legendaire du poete avec cette fameuse mulatre Jeanne Duval, malgre que presque tous les erudits admettent que l'inspiratrice du poeme soit Marie Daubrun. (Mais pourquoi Baudelaire changea-t-il l'expression "avec une maitresse cherie" de la premiere edition 1857-1861, pour "avec une vieille amie" de celle de 1862? Ne pouvait-il choisir, finalement apres cinq ans, d'autres femmes que Jeanne comme compagnes de son voyage?) D'autre part, dans le poeme le narrateur-poete parait ne pas avoir vraiment l'intention de partir. Il reve de voyager, mais ainsi que Theodore de Banville le remarqua, "il ne partira jamais." Il parle a sa vieille maitresse qui est la peut-etre allongee, nue, sans l'ecouter ou ayant perdu depuis longtemps la coutume de l'ecouter serieusement, ou bien il parle a lui-meme. Chose tres souvent dite, le poete reve de l'evasion. Ce n'est pas un voyage d'aventure, mais un voyage imaginaire pour un pays de Cocagne. On expliquerait donc assez malaisement la tristesse du poete, en supposant qu'il s'adresse dans un premier amour a une tres jeune fille, qui devrait plutot etre heureuse ici, dans ce monde. Qu'est-ce que le voyage pour Baudelaire? Il ne voyagea jamais au vrai sens du terme ou "on croirait qu'il a voyage sans ouvrir les yeux," (Maxime du Camp) Voyager n'est-il pas aller a la rencontre d'autres "axes de temps" que le votre? Autrement dit, rencontrer des gens qui vivent dans une autre structure curturelle que la votre? Il en a peur, le jeune Baudelaire, quand il arrive dans la pleine prosperite du Cap a l'extremite sud du continent africain, de ce port actif ou se deroule le temps tout au long d'un autre axe que celui d'Europe. Il ne reve plus que de retourner en France, a Paris, de retrouver le berceau intime dans lequel seule son ame peut se reposer en toute quietude. Pour lui, voyager, c'est d'aller "la-bas," c'est-a-dire dans une Hollande idealisee, de vivre dans une maison aux pieces luxueuses pleines de choses curieuses et bizarres d'ou s'echappe un parfum singulier. Pas de figures humaines pourtant dans ce pays de Cocagne sauf lui et sa maitresse a moins de tenir compte des chants monotones des manoeuvres. On dirait qu'une seule presence humaine derange son espace vital. Les bateaux qui sont la sur les canaux n'emmeneront jamais le couple. Le port n'est pas pour Baudelaire l'endroit du depart. Les navires viennent d'arriver "du bout du monde pour assouvir le moindre desir" de sa maitresse. Ce n'est pas une invitation au voyage mais une invitation a un pays ideal, a une chambre ideale dont la fenetre donne sur un port. Certes, on serait etonne en ecoutant l'Invitation au voyage mise en musique par les Freres Hillemacher... Ils eliminent carrement le celebre refrain et la deuxieme strophe et inserent la premiere partie de la troisieme strophe au milieu de la premiere strophe. Elimination de tous les elements qui ne decrivent que le paysage. Mais ainsi le port devient tout d'un coup le lieu de depart que quittera un beau jour un grand navire au bord duquel les deux amants partiront pour un pays inconnu. Duparc lui-meme qui a compose la meilleure musique pour ce poeme n'hesite pas de sauter la deuxieme strophe. Mais on pourrait dire que les compositeurs s'en tirent de cette facon pour faire un chant d'epanchement sentimentel de ce poeme peu passionnant, peu exalte, peu adapte a la melodie dramatique. On pourrait admettre, ici au moins, cet arbitraire des compositeurs, bien qu'ils n'aient pas du tout le droit de modifier la parole des poetes. Ces compositeurs, delivres completement des souvenirs de l'auteur lui-meme, desinteresses du mythe baudelairien, prennent inconsciemment en un sens l'attitude de "la nouvelle critique" envers l'oeuvre, puisqu'il n'y a devant eux que la parole, la pure composition verbale independante, ce qui nous amuse tant, nous autres litteraires pour qui le moindre changement du texte parait encore une profanation.
- 東京芸術大学の論文